Pour l’édition 2024 de Art Basel Paris la galerie MAGNIN-A présente une exposition individuelle de Romuald Hazoumè.
Romuald Hazoumè débute sa carrière au Bénin dans les 80 avec une pratique qui deviendra sa signature, la création de masques avec pour base des bidons d’essence. Il développera par la suite des œuvres monumentales dont la « Bouche du Roi », évocation puissante de la traite négrière, acquise par le British Museum ou « Dream », parlant de la migration contemporaine, pour laquelle il remportera le prix Arnold Bode lors de la Documenta en 2007. Il expose cette année à la 60ème Biennale de Venise « Àse », une installation d’envergure dans le premier pavillon Béninois de l’histoire et nous avons à cœur de montrer au Grand Palais la richesse de son travail à travers une sculpture et une diversité de masques.
Né en 1962, Romuald Hazoumè est un artiste béninois qui s’exprime depuis près de 40 ans à travers la sculpture, la peinture, l’installation et la photographie. D’origine Yoruba, son ancêtre était un babalao, grand-prêtre du « fâ » venu du Nigeria à la cour du roi de Porto-Novo, il se considère comme un « aré » : « Chez les Yorubas, il existait des artistes itinérants appelés « aré » qui étaient chargés de porter la culture d’un royaume à l’autre. Je me reconnais totalement dans cette appellation.»
L’œuvre de Romuald Hazoumè, immédiate, saisissante, utilise souvent l’humour et la dérision pour développer une critique. Il créé des espaces où l’Afrique et l’occident s’entremêlent. Pour autant son travail ne se solde pas en une molle réconciliation. L’artiste met le doigt où ça fait mal, s’arrêtant sur des nœuds de conflits et de tensions, appliquant des pressions à la fois douloureuses et bienfaisantes. Au nombre de ces nœuds douloureux, les stéréotypes : ceux des relations Nord-Sud mais également ceux des rapports des Africains à eux-mêmes et à leur continent.
L’une des pratiques les plus emblématiques de son travail et à laquelle nous voulons rendre hommage lors de de cette édition de Art Basel Paris est la création de masques à partir de bidons d’essence auxquels il associe des objets trouvés pour en dévoiler une personnalité. Derrière une certaine clarté formelle, une simplicité proche de celle des ready-made, se dégagent plusieurs axes de réflexion qui complexifient leur approche.
D’origine Yoruba, il est assez aisé de dire qu’Hazoumè perpétue une forme de tradition en réalisant des masques, symboles de l’art de ses ancêtres. Cependant, l’utilisation du bidon et d’objets trouvés rend impossible la confusion avec les masques anciens. L’artiste opère ainsi un détournement majeur bouleversant la perception occidentale sur l’art africain. Selon Philippe Dagen : « Ces métamorphoses modernes mettrons mal à l’aise. Elles sont susceptibles de poser des questions dérangeantes. Par exemple : Quels sont les sous-entendus de culte de l’ancien et de l’authentique auquel j’adhère ? Ne suis-je pas encore englué dans le « primitif » et l’exotique ?»
L’emploi quasiment systématique de bidon d’essence dans son travail ouvre également un deuxième degré de lecture. L’une des ressources économiques du Bénin est la contrebande d’essence importée frauduleusement du Nigéria voisin, producteur d’hydrocarbures. Des jerrycans volumineux débordant d’essence sont arrimés sur des motos hors d’âge que les chauffeurs conduisent au péril de leur vie. Le bidon est alors un symbole d’une économie souterraine parfois mortelle chargé d’une signification économique et politique contemporaine.
Plus encore, chaque masque possède une réalité propre, une identité qui va servir un propos voulu par l’artiste. L’association de quelques éléments ajoutés au bidon : plumes, tissus, pipes ou talons, et d’un titre, parfois évocateur ou bien sous-entendu, permet à l’artiste de créer une personnalité, anonyme ou publique, pour dénoncer ou célébrer. La révélation de cette personnalité n’est pas aisée, l’artiste diffuse quelques indices qu’il faut croiser pour identifier son sujet. Ces décennies de pratiques lui ont permis de créer un panthéon d’hommes, de femmes et de cultures, d’inconnus ou de personnalités historiques qui permettent aujourd’hui de dégager les idéaux de cet artiste engagé.
Romuald Hazoumè a été exposé au sein de grandes expositions internationales (La Bouche du Roi : an artwork by Romuald Hazoumè, The British Museum, 2006; Documenta 12, Kassel, 2007; The Progress of Love, The Menil Collection, Houston, 2012 ; Romuald Hazoumè, Beninese Solidarity with Endangered Westerners, Kunsthaus Graz, 2013 ; Art/Afrique : le nouvel atelier, Fondation Louis Vuitton, Paris, 2017; Alpha Crucis, Astrup Fearnley Museet, Oslo, 2020; Ex-Africa, Musée du Quai Branly, Paris, 2021, 60ème Biennale de Venise, Arsenale, Pavillon Béninois, 2024). Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections prestigieuses (MoMA, NY; The British Museum, Londres; National Museum of African Art, Smithsonian Institution, Washington; The Brooklyn Museum, Brooklyn; Musée des Beaux-Arts Montréal; Fondation Louis Vuitton, Paris).