Le rien est devenu quelque chose.
Une île, Madagascar, entretient avec MM une liaison. L’important n’est pas qu’il y soit né en 1957 mais qu’il y soit retourné quand l’homme et le poète qu’il était devenu savait ce qu’il cherchait. À Moramanga, son village de naissance, il a retrouvé les traces de la géomancie du désert, inventée quand les hommes dessinaient les constellations avec les doigts sur le sable. Amenée dans l’île par les commerçants arabes et perses à partir du IXe siècle, elle a pris la forme locale d’une divination par les graines (acacia et tamarin) appelée «sikidy». Un grand maître de sikidy habitait à Moramanga. Il l’a initié, lui a donné un nom, Avane, arc-en ciel en malgache. En triturant les lettres, ça donnait Arcel Iracle. Les deux M de son ancienne signature devant chaque mot et Marcel Miracle était né.
Un homme, lui, Miracle, en forme de point d’interrogation à l’envers, observateur observé de tout ce remue-ménage qui se dessine sous ses yeux. Si l’homme n’y est pas, il y a l’oeil. On le trouve souvent planqué dans le coin de sa chambre, assis entre les trois lignes à 120° qui font le triangle de son monde ouvert par une seule porte, parfois une fenêtre avec des barreaux, et dans certains cas un escabeau. Marcel Miracle dessine son monde avec rien: les signes récurrents de son alphabet pour raconter ses histoires, les détritus ramassés sur le bord des trottoirs pour coller aux fantaisies de son transformisme, les mots échappés de sa solitude déchaînée pour faire poème de chaque instant vécu. Deux vieux bouts de lacets emmêlés font l’envol d’un albatros. Le rien est devenu quelque chose.
Quand le spectacle s’arrête dans une salle d’exposition on voit, au mur, les formes isolées d’un mouvement poétique qui se saisit de tous les moyens artistiques à disposition de Marcel Miracle pour faire advenir les désirs de son imagination. S’étant permis un jour de déplacer le centre du cercle à la périphérie, il s’est débarrassé des limites de la raison logique. Le voilà libre d’escalader une semelle à dos de cheval ou de marcher la nuit parmi les dunes en compagnie des djinns vers les civilisations perdues qui nous ont appris le langage.