" La photo pour moi consiste en cela : m’asseoir, rester à regarder et me demander si avec cette photographie je fais une peinture."
Du 3 juin au 29 juillet 2023, la galerie MAGNIN-A ouvre ses portes sur l'univers onirique du photographe et réalisateur congolais Kiripi Katembo (1979-2015). Décédé brutalement à l'âge de 36 ans, Kiripi Katembo laisse derrière lui une œuvre puissante et une vision sublimée de Kinshasa à travers une esthétique photographique unique. Cette exposition, conçue en partenariat avec la Fondation Kiripi Katembo Siku, présentera pour la première fois une vingtaine de tirages et une vidéo issus d’Un regard, série emblématique du photographe réalisée entre 2008 et 2013. L’exposition montrera également Voiture en carton, court métrage dévoilé au Centre Pompidou en 2008 lors de la 4ème édition du Festival Pocket Films, un voyage au ras du sol dans un quartier populaire de Kinshasa.
Capturer l’invisible
Né à Goma, République Démocratique du Congo, Kiripi Katembo a consacré son œuvre à documenter et à interpréter la réalité complexe de la capitale à travers des images fortes et des œuvres cinématographiques engagées. Son travail, profondément ancré dans la réalité sociale de sa ville, révèle les défis auxquels font face les habitants de Kinshasa. Utilisant l'art comme un moyen de sensibilisation et de mobilisation, Kiripi Katembo dénonce l’inactivité des responsables politiques face à l’insalubrité et la pollution.
Étudiant aux Beaux-Arts de Kinshasa, Kiripi Katembo débute un travail de peinture et de vidéo pour rendre compte de son environnement urbain. Un regard, sa première série photographique, est arrivée par accident. Confronté à l’hostilité des habitants face à l’objectif, Kiripi Katembo utilise alors les reflets des flaques d’eau. « Les habitants ne sont pas à l’aise quand ils ont une caméra devant eux. (…) En fuyant leur regard, je suis tombé sur les réflexions d’eau qui m’ouvraient une fenêtre assez surréaliste avec beaucoup de détails qui correspondent très bien à la réalité de ma ville. »
Grâce aux reflets des flaques d’eau stagnantes, il cherche à illustrer une autre réalité que celle, trop documentée, de la désorganisation et du chaos, omniprésents. « La photo pour moi consiste en cela : m’assoir, rester à regarder et me demander si avec cette photographie je fais une peinture ». Ce qui intéresse le photographe, c’est l’installation urbaine consciente ou inconsciente de la population. Se dessinent ainsi des paysages habités par des ombres, des objets, qui nous invitent à imaginer des histoires de ce quotidien sublimé. Les titres de ses photographies évoquent les préoccupations, violentes et réelles, de la population Kinoise. D’une poésie brute « Errer », « Subir », « Tenir », sonnent comme des injonctions lancées au peuple de Kinshasa de la part d’un artiste qui avait dédié sa jeunesse et ses idéaux à promouvoir la culture de son pays.
Kiripi Katembo était également réalisateur, ses films documentaires témoignent des conditions sociales et politiques de la République Démocratique du Congo. Avec une approche narrative engagée, il a utilisé le cinéma pour donner une voix au peuple et pour susciter la réflexion sur les enjeux environnementaux auxquels il est confronté.
Décédé prématurément du paludisme en 2015, Kiripi Katembo est reconnu comme l'un des artistes congolais les plus influents de sa génération. Fédérateur et fervent défenseur de la scène artistique congolaise, il fonde en 2014 la Biennale Yango. Cette initiative culturelle souhaite offrir une visibilité aux artistes congolais et devient une véritable plateforme d'échange et de dialogue pour les créateurs locaux et internationaux. La Biennale Yango joue un rôle clé dans la promotion de l'art contemporain et dans la reconnaissance des talents émergents de la République Démocratique du Congo.