Selon le mot d'Albert Camus, dans la nouvelle Jonas ou l'artiste au travail, une lettre peut tout changer, entre solitaire et solidaire.
Du 8 novembre au 21 décembre 2024, la galerie MAGNIN-A consacre la première exposition jamais organisée à l’entièreté de la série photographique The Prophecy de Fabrice Monteiro. À cette occasion, la galerie présentera les 18 photographies de la série constituant des messages puissants et oniriques.
D'ordinaire, on ne les voit pas. On ne peut pas les voir. Sur les décharges sauvages de Dakar, sur les nappes de pétrole polluant les mers, sur les plages meurtries par le tranchant des produits ménagers, au fond de la Grande Barrière de corail australienne, déstructurée, ou encore, dans les rivières et les sols colombiens, corrompus par le mercure, les esprits sont là. Partout sur la planète, principalement au Sénégal où, dès 2013, Fabrice Monteiro découvre les conséquences d'une mondialisation sauvage, la Nature prend les traits des mascarades d'Afrique de l'Ouest. Devant la tragédie écologique en cours, ces esprits, les Djinns, expriment la plainte, la douleur, la révolte ou le recueillement. Par là, The Prophecy constitue les visions de l'artiste.
Le soin apporté par Fabrice Monteiro aux lieux, à la fabrication des costumes ou aux expressions des personnages, révèle un souci de narration : raconter une histoire mêlant animisme et écologie. L'exposition à la galerie Magnin-A propose une installation du costume porté par l'esprit de la Prophecy 14, ainsi qu'un montage vidéo qui permet de documenter son processus de réalisation. Particulièrement saisissante, cette prophétie figure une danse avienne, celle d'un esprit au plumage noir et jaune, sur la terre aride du Texas où l'extraction du charbon met en danger la vie et saccage les sépultures sacrées des peuples autochtones.
Une prophétie est une parole. Elle annonce un événement, mais ici, la catastrophe a déjà lieu. Les photographies de Fabrice Monteiro, s'inscrivent dans un discours. La nature parle, l'artiste traduit : « Il faut trouver une nouvelle façon d'être au monde. Cette manière d'exploiter, de torturer la nature au nom d'une sacro-sainte croissance n'est plus possible. Le monde est épuisé. Il nous faut entendre l'appel des esprits et mesurer l'urgence de ce défi qui touche à l'essentiel. Osons nous réinventer. »
Ses expériences dans la mode ont certes précisé un œil artistique, quant à la lumière, aux postures et aux vêtements, mais hormis les formes et le contenu du message, c'est sa destination qui importe à Fabrice Monteiro. Une prophétie doit être déchiffrée. Initialement pensée comme un conte, elle doit susciter l'étonnement des enfants, la réflexion et la curiosité qui permettent, enfin, une invitation au débat.
Chaque photographie porte son message : décarbonisation, souci des générations futures, respect des cultures ancestrales, approches anti coloniales de la préservation. Chaque photographie, donc, est le fruit d'une grande documentation par rapport aux enjeux locaux. Du culte vodoun originaire du Bénin, aux motifs spirituels de l'Égypte ancienne, l'œuvre de Fabrice Monteiro est un monde dans le monde, un microcosme spectaculaire qui entend créer des passerelles entre les cultures et les hommes, changer la vie, comme, selon le mot d'Albert Camus, dans la nouvelle Jonas ou l'artiste au travail, une lettre peut tout changer, entre solitaire et solidaire.